Il existe environ 191 espèces de poisson-globe (Tetraodontidae) dans le monde, mais une seule fait trembler les chefs et les gourmets du monde entier : le fugu, qui est devenu mondialement connu comme l’un des luxes gastronomiques les plus dangereux. En effet, ce mignon petit poisson qui gonfle pour devenir tout rond contient une toxine si puissante qu’elle peut provoquer une mort violente en quelques minutes.
Pourtant, au Japon (et dans quelques autres endroits du monde), le fugu est consommé. Pourquoi, il est comestible, mais seulement si il est traité et cuisiné scrupuleusement, en suivant des règles précises. C’est pourquoi manger du fugu, c’est un peu comme manger à la roulette russe. Et pourquoi est-il si rare d’en trouver ? Pensez qu’entre 1956 et 1958, pas moins de 420 décès sont survenus suite à la consommation de poisson-globe mal préparé.
Aujourd’hui, les choses sont différentes, les règles sont plus strictes, et ces derniers temps, les décès dus à la consommation de fugu sont d’environ 3 par an. Mais le frisson demeure, et le poisson-globe reste l’une des préparations les plus dangereuses au monde, malgré l’extrême délicatesse de son goût et de sa chair blanche. Et une loi, toujours en vigueur aujourd’hui, interdit à l’empereur du Japon de manger du fugu.
Qu’est-ce que le fugu et pourquoi est-il si dangereux ?
Le poisson-globe serait un poisson comme tant d’autres, s’il ne présentait pas une caractéristique particulière : il contient de la tétrodotoxine, une neurotoxine particulière qui serait environ 1 200 fois plus puissante que le cyanure. Il s’agit d’un poison extrêmement puissant et à action très rapide qui attaque les muscles mais laisse la victime inconsciente, et celle-ci meurt d’une mort rapide mais très douloureuse. Et il n’y a pas d’antidote, pas de remède.
Tous les poissons-globes ne sont pas remplis de tétrodotoxine : la substance est concentrée dans les yeux, le foie et les ovaires, mais il suffit qu’un de ces éléments entre en contact avec le reste de la chair pour qu’elle soit également mortelle. C’est pourquoi le nombre de chefs autorisés à préparer ce plat très risqué est très réduit, et très contrôlé par le gouvernement japonais.
Pourtant, malgré le danger évident, le fugu est un aliment dont la tradition est très ancienne au Japon, remontant jusqu’à 10 000 ans avant J.-C., à la période Jomon. Bien que sa consommation ait été interrompue à différentes époques au cours des siècles, l’interdiction de la consommation libre du fugu est due au général américain MacArthur, après la défaite du Japon lors de la Seconde Guerre mondiale. C’est lui qui a introduit l’obligation d’une licence spécifique pour les restaurants souhaitant servir du poisson-globe, suite à la mort de plusieurs soldats américains stationnés dans le pays.
À ce jour, cette loi demeure et a même été renforcée. Afin d’éviter le risque, qui semble s’être encore accru en raison de la surchauffe des eaux : le changement climatique entraîne une augmentation des poissons-globe hybrides, difficiles à distinguer des vrais fugus et dont le venin peut donc aussi se trouver dans d’autres parties du corps non identifiées.
Comment manger du fugu sans prendre de risques ?
Les rares chefs autorisés à cuisiner le fugu le préparent généralement de trois manières différentes.
Fugu sashimi
Le plus populaire est le fugu sashimi, également appelé fugusashi : le poisson est découpé en tranches très fines, presque transparentes, servies sur une assiette avec de l’oignon vert et de la sauce ponzu, et présentées sous la forme d’un chrysanthème.
Fugu frit
Une autre façon populaire de cuisiner le fugu frit : dans ce cas, le poisson est légèrement mariné puis frit, de sorte qu’il reste tendre au centre mais croustillant à l’extérieur. Il est généralement servi avec du sel et du jus de citron vert.
Fugu en ragoût
La troisième préparation est un ragoût : le fugu est bouilli dans un bouillon dashi avec des légumes, du tofu et des champignons. On utilise aussi souvent la peau de poisson-globe, appréciée pour sa forte teneur en collagène et proposée en lamelles crues, frites, bouillies ou grillées.
Les plus audacieux s’essaient alors à une préparation extrêmement risquée, un véritable défi à la mort : le traitement des ovaires, l’une des parties les plus toxiques du poisson. Ils sont salés et marinés pendant trois ans, le temps que la toxicité soit réduite à zéro, puis mélangés à de la pâte de riz pour obtenir une pâte molle. Cette technique est si dangereuse que seules quatre villes dans tout le Japon sont autorisées à préparer ce plat particulier.
Combien coûte le fugu et où le manger ?
En raison de sa rareté, de sa dangerosité et de son extrême difficulté à être transformé, le fugu est une spécialité culinaire de luxe qui atteint des prix exorbitants. Aussi parce qu’il y a très peu d’endroits dans le monde où le fugu peut être mangé. L’un d’entre eux est le Japon, où il est évidemment plus populaire, bien que pour pouvoir servir du poisson-globe, le chef doit avoir une licence spéciale du ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales, avoir suivi un apprentissage de deux ans et avoir passé deux examens, l’un pour identifier le poisson et l’autre pour préparer le plat. Il n’est pas surprenant que seuls 35 % de ceux qui en font la demande réussissent à obtenir la licence.
Parmi les établissements les plus célèbres qui préparent le poisson-globe, citons le Usuki Fugu Yamadaya de Tokyo, qui a reçu deux étoiles au Michelin, et la chaîne Zuboraya d’Osaka. Dans le reste du monde, il est beaucoup plus difficile de déguster du fugu. Aux États-Unis, moins de 20 restaurants ont l’autorisation gouvernementale de servir du fugu, et dans tous les cas, le poisson doit être importé déjà tranché et congelé directement du Japon. En Europe, par contre, la vente et la consommation du poisson-globe, potentiellement mortel, sont absolument interdites.